
Vous avez remarqué qu'on parle beaucoup du secret bancaire en Suisse ces derniers temps. En général précédé des mots "menace sur" ou "comment sauver le".
Ce qui est amusant, c'est de constater à quel point ce débat a peu avancé intellectuellement depuis vingt ans. L'Association suisse des banquiers publie régulièrement des sondages montrant que 80% des Suisses sont pour le secret bancaire, et cela clos le débat. Les journalistes le chatouillent de temps en temps, les politiciens de gauche le gratouillent au moins une fois par législature, mais tout cela ne tire pas vraiment à conséquence et tient du rituel fatigué.
Il faut ici souligner le rôle particulier que jouent quelques "experts" régulièrement interrogés par les médias électroniques ou écrits. Je veux parler notamment des avocats genevois Xavier Oberson et Carlo Lombardini, ainsi que du professeur Robert Waldburger. Les trois sont des orfèvres en la matière. Sérieux sans l'ombre d'un doute. Incollables sur la jurisprudence.
Les trois partagent aussi la même tendance à relativiser le problème, esquiver les attaques, défendre le statu quo. Bref, à noyer le poisson.
Les trois partagent encore la particularité d'être régulièrement sollicités par les banques pour des avis de droit, ou la défense de telle ou telle cause. Sans faire injure à leur indépendance d'esprit, on relèvera que cette proximité tend à arrondir le langage, sinon les angles du raisonnement. Carlo Lombardini, par exemple, a publié une savante analyse pour expliquer à quel point un changement de loi à propos de l'évasion mettrait tout le système fiscal suisse sens dessus dessous. Autant y renoncer d'avance, donc.
Quant à Robert Waldburger, la NZZ a publié samedi dernier un morceau d'anthologie basé sur une interview qu'il lui a accordée (rapportée en propos indirects, c'est plus prudent). Peu d'hommes connaissent le dossier du secret bancaire aussi bien que lui, puisqu'il l'a géré pour Kaspar Villiger quand ce dernier était ministre des finances. On pourrait donc s'attendre à ce que ce brillant juriste à l'indépendance retrouvée, puisqu'il enseigne désormais cette matière à l'Université de Saint-Gall, esquisse des pistes pour faire évoluer la savante distinction suisse entre l'évasion fiscale (non poursuivie pénalement) et la fraude (poursuivie).
Mais non. Robert Waldburger n'a rien à dire ou presque, sinon que les craintes sur le secret bancaire sont infondées et que les attaques américaines ne sont pas vraiment solides juridiquement.
Au passage, la NZZ nous apprend que depuis mai 2007, Robert Waldburger officie comme consultant d'UBS pour les questions juridiques liées à l'entraide administrative. Il doit précisément dire dans quel cas il y a fraude et dans quel cas non. Le quotidien ne précise pas combien il touche pour ce travail. Là encore, sans faire injure à sa probité intellectuelle, on imagine qu'il n'est pas payé pour dire à UBS qu'une majorité de ses clients américains sont des tricheurs aisément condamnables. Car ce serait poser indirectement la question du "conseil" qu'ils ont reçu d'UBS.
Bref, on ne s'étonnera pas que les brillants esprits qui connaissent le mieux le dossier ne le fassent pas avancer depuis vingt ans.
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