Si la Suisse cessait de considérer l'évasion fiscale comme une simple peccadille et se mettait à coopérer avec les autorités judiciaires et fiscales étrangères dans les cas de ce genre, quel serait l'impact pour la place financière?
Le Tages Anzeiger s'est livré au calcul suivant basé sur les dernières statistiques de la Banque nationale suisse (voir page 49). Celle-ci calcule qu'à fin 2008, 3822 milliards de francs sont déposés par les clients suisses et étrangers dans l'ensemble des banques suisses. A relever que la somme a rétréci d'un tiers suite à l'effondrement des marchés.
Soixante pour cent de ces dépôts concernent des clients étrangers; parmi eux, les clients étrangers privés détiennent 670 milliards de francs. Il faut y ajouter une part de la clientèle enregistrée comme institutionnelle, car des fondations peuvent en réalité cacher un client privé. Au total, le Tages Anzeiger estime les dépôts privés de la clientèle étrangère à environ 1000 milliards à fin 2008.
Première question: sur ces 1000 milliards, quelle proportion est liée à l'évasion fiscale? 25%? 33%? 50%? Plus? Le journal alémanique choisit 40%. Le chiffre ne paraît pas irréaliste. Dans Le Temps, Ivan Pictet déclare que "sans cette distinction (entre fraude et évasion fiscale), la place financière pourrait rétrécir d’une proportion qui pourrait aller jusqu’à près de la moitié de sa taille". Merrill Lynch, en se basant sur le précédent de l'amnistie fiscale italienne, fait une estimation plus prudente: 20 à 25% de l'argent placé "offshore" le serait au noir selon ML. Enfin, sans citer de pourcentage, Fox-Pitt Kelton reprend un calcul de la Bundesbank sur les avoirs non-déclarés des Allemands à l'étranger: 500 milliards d'euros, dont 28% se trouveraient en Suisse, ce qui veut dire que plus de 200 milliards de francs déposés dans les banques suisses seraient liés à la seule évasion fiscale allemande (merci Myret pour ces documents).
Revenons à l'estimation du Tages Anzeiger: 40% de 1000 milliards font 400 milliards d'argent fuyant le fisc de différents pays et au chaud dans les coffres suisses.
Le quotidien zurichois poursuit le raisonnement. En comptant une marge brute moyenne de 1% prélevée sur la gestion de cette somme, on arrive à 4 milliards de commissions par an, somme qu'il faut augmenter de un ou plusieurs milliards pour tenir compte des effets induits sur l'économie nationale. Bref et en résumé, l'évasion fiscale rapporte bon an mal an 1 à 2% du produit intérieur brut, ou à peu près mille francs par habitant.
Deuxième question: quelle part de ces revenus serait affectée par la pénalisation de l'évasion fiscale et l'exode de clientèle que cela déclencherait? Ici, les estimations sont encore plus vagues. Merrill Lynch limite la sienne à UBS: deux tiers des fonds déposés dans la banque sont "offshore"; sur cette part, un quart fuient le fisc; deux tiers de ce quart repartiraient si le secret bancaire était affaibli. Au total, 16,5% des fonds gérés par UBS sont "à risque", selon ML, ce qui représente 800 millions de francs de revenus annuels menacés.
Voilà. Tout ça reste encore assez nébuleux, mais au moins on commence à poser chiffres sur la table. La prochaine fois, nous parlerons des aventures de Jo et Zette, pour changer un peu.

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