
Toujours le secret bancaire. Ou plutôt le coût économique qu'entraînerait pour la Suisse la suppression de la distinction entre évasion et fraude fiscales - distinction qui permet pour l'instant à nombre de clients étrangers de planquer leurs avoirs non déclarés en Suisse et d'être protégés par le secret bancaire, ce qui n'est pas le cas s'il y a fraude.
J'avais rassemblé quelques chiffres sur ce sujet dans un précédent message. Les voici complétés et légèrement grossis par la SonntagsZeitung, reprenant elle-même certaines données de Bilanz. En se basant aussi sur les dernières statistiques de la BNS, le journal calcule que 1000 milliards de francs sont placés par des personnes privées étrangères dans des banques suisses sous forme de papiers-valeurs, trusts et fondations. Il y ajoute des dépôts fiduciaires (?? "Treuhandguthaben") pour 479 milliards, des assurances-vie pour 170 milliards (un véhicule connu d'évasion fiscale), des fonds et hedge funds (là, c'est moins clair) pour 346 milliards. Au total, 2000 milliards de francs, sur lesquels le système bancaire gagne bon an mal an 1% de marge, soit 20 milliards de francs assurant 40 000 emplois. Il faut y ajouter les effets indirects (les salaires des banquiers sont dépensés, les gains réinvestis, etc., sans compter le fait que le clientèle étrangère venant gérer ses comptes dépense aussi dans les hôtels, magasins).
Si l'évasion fiscale n'était plus protégée demain, quelle part de ces 2000 milliards serait concernée? Là, les estimations sont très larges, allant de 25% à 75% du total, 500 à 1500 milliards. Donc, 5 à 15 milliards de manque à gagner annuel, ou 1000 à 3000 francs de moins par habitant. Mais quelle part de ces 500 à 1500 milliards quitterait réellement la Suisse? Les autres facteurs (stabilité du franc, sécurité, rapports de confiance avec le gestionnaire, manque d'alternative sûre à long terme) en feraient sans doute réfléchir plus d'un.
Pour ma part, compte tenu du fait qu'une suppression du distinguo évasion/fraude fiscale ne tomberait pas du jour au lendemain et s'inscrirait probablement dans un processus de négociation international où les paradis concurrents seraient également concernés, je parierai sur une fourchette basse de quelques centaines de milliards quittant les coffres suisses sur un ou deux ans. Douloureux, mais pas mortel.
Et pour montrer que la thématique n'est pas franchement nouvelle, voici un délicieux morceau d'archives de la TSR. Dans ce "Continent sans visa" vieux de 45 ans, le journaliste Claude Torracinta ne peut fournir aucun chiffre, ne serait-ce que sur la fortune étrangère gérée en Suisse. Mais déjà, il prévient que le secret bancaire pourrait être ébranlé "dans quelques années"...

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